J’ai vécu l'enfer au paradis

En Asie, personne n'a oublié le raz-de-marée dévastateur de 2004. Il y a plus de dix ans, un tsunami semait la mort dans l'océan Indien. Le 26 décembre 2004, une vague dépassant 30 mètres de haut par endroit a emporté plus de 250 000 vies en Indonésie, au Sri Lanka, ainsi qu'à l'ouest de la Thaïlande. Pour Adrien : "C'est toujours compliqué pour moi de parler de ce que j’ai vu là-bas…Voir mourir autant de monde autour de soi et revenir. Il y a cette espèce de culpabilité du rescapé. En décembre 2004, j’étais en vacances en Thaïlande avec ma fiancée. C’était tout à fait comme on peut se l’imaginer : de belles plages, une eau magnifique, un superbe soleil. On avait décidé de partir fêter Noël au soleil. Nous avons été surpris par la catastrophe. Ma fiancée et moi étions dans notre bungalow quand j’ai entendu un énorme bruit. J’ai ouvert la porte et une onde gigantesque m’a frappé de plein fouet. C’est surtout la violence du choc qui m’a marqué. C’est toute la mer qui est montée avant de se retirer. Tout est reparti avec la vague. C’était le chaos total. Le flux et le reflux de l’eau ont tout emporté avec une violence incroyable. Des débris nous arrivaient dessus. Il nous fallait absolument rester debout si nous ne voulions pas être emportés, mais c’était comme se retrouver dans un torrent en furie. Cela a peut-être duré cinq minutes, c’est difficile à estimer. Quand je me suis retourné, Sarah avait disparu… Il y avait beaucoup de familles. Les parents criaient pour trouver leurs enfants. Il y avait des bébés emportés, des fractures ouvertes, des personnes en état de choc et moi qui cherchait Sarah désespérément. C’était la panique totale. J’ai pris conscience que je devais me protéger, me mettre à l’abri d’une seconde vague. J’ai décidé de rejoindre le haut de la colline, peut-être que Sarah avait eu la même idée. En arrivant sur la colline, j’ai essayé de la retrouver sans succès. Nous étions tous apeurés, déboussolés, en état de choc. J’ai voulu redescendre près des maisons pour voir si je pouvais sauver des gens et retrouver Sarah. J’en ai été incapable et je m’en veux terriblement, même encore aujourd’hui. Je ne me cherche aucune excuse mais j’ai compris qu’il est difficile de prévoir certaines réactions avant de les vivre vraiment. Je suis reparti pour la France seul. Une fois rentré, je me suis demandé ce que je faisais là. Quelques semaines plus tard, j’ai appris qu’une association venait en aide aux habitants et à la reconstruction de l’île. J’ai donc décidé de repartir. Ma place était là-bas. Ce que je n’ai pas pu faire sur le moment, je l’ai fait après, pour toutes ces personnes qui m’ont aidé et pour la mémoire de Sarah ».


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